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Je me définis comme un plasticien ethnologue, spécialisé en mutations du comportement et du langage entraînés par la cohabitation avec la technologie. Sous plusieurs angles, j’explore les fantasmes exponentiels du mythe de la «machine» que je mets en contraste avec un travail artisanal allant de la céramique au tissage en passant par la gravure.
Pour chaque projet, ma pratique débute par une approche obsessionnelle des formes complexes et sensibles (comme les CAPTCHA) et des grilles incohérentes, incompris par la logique d’une machine. J’en reproduis quotidiennement et je les détourne en arts visuels (dessins, peintures, vidéos ou objets imprimés). Ces éléments font partie d’une série récurrente que j’ai intitulée “Bot or not to bot” : on les retrouve dans chacune de mes installations, comme une manière de m’assurer que je ne suis pas moi-même devenu une machine.
Suite à cette première phase, j’entreprends un processus d’enquête afin d’identifier les mutations de langage induites par les évolutions technologiques. Les mutations de langage sont un objet d’étude particulièrement intéressant pour moi, puisque je considère qu’ils sont le premier indicateur d’un changement de mœurs. Ainsi, l’expression “Netflix & chill” est la première mutation de langage qui m’a interpellé. Cette expression créée par la génération 15-19 ans est utilisée pour faire des avances sexuelles à quelqu’un, et fait référence à une évolution technologique pour définir un comportement humain.
Les mutations de comportements induits par la technologie sont aussi un objet d’étude qui me passionne. Je les ai par exemple mis à l’honneur dans mon projet “Bored at work”. J’y ai répertorié les disciplines qui se sont développées ces dernières années dans le contexte de l’aliénation des postures de bureau, comme le Pen Spinning, pratique qui consiste à faire tourner un stylo entre ses doigts. Face à un outil technologique devant lequel nous nous ennuyons, l’ordinateur, nous nous réapproprions notre corps et nos capacités physiques. Il existe même aujourd’hui des tournois de Pen Spinning.
Je cherche à retranscrire ces mutations via différentes formes et différentes techniques, en croisant des procédés très technologiques comme la reconnaissance faciale, et très artisanaux comme la céramique ou la dorure.
thomas.guillemet.two@gmail.com +33(0) 6 48 37 06 88
Instagram @Thomas_guillemet
Drac Résidence Thomas Guillemet atelier 9, 5 rue du Montcel, 95430, Auvers_sur_Oise
Current exhibition Festival Jeune création 71 Fondation Fiminco Lauréat du prix "Folie Numérique" La villette
Next exhibition Salon de Montrouge (October 22 — 31) Artiste sélectionné 65e edition du Salon international d'art contemporain de la Ville de Montrouge http://www.salondemontrouge.com/
Collectionneur Artothèque Artiste invité et commissaire Centre d'arts contemporain (CAC) d'Auvers sur Oise x Centre national édition art image http://www.cneai.com/
BodyFail le corps comme limite du code Lauréat Pulsar the open art Prize https://bodyfail.com/ https://vimeo.com/252199630
Last exhibition THE WRONG BIENNALE Exposition au 6B ǝɹǝɥʍǝsʅǝ op ʇ𐄀upʅnoɔ ᴉ ǝɹǝɥ sƃuᴉɥʇ ǝuop ǝʌɐɥ ᴉ Co-Commissaire et Directeur artistique >>> https://ihavedonethingshere.cargo.site/ <<<
Seul l’ordo_nancement intensifie les obstacles élaborés de la hiérarchie THE WINDOW, Centre d'Arts, Paris DuoShow Thomas Guillemet x Laurent Lacotte Curation Indira Béraud
2021 Normal Map, Thomas Guillemet x Centre national édition art image (Cneai) 2020 Skéomorphe, Centre d’Art d’Auvers-sur-Oise 2019 Il est urgent que le progrès programme The Window, Paris, France 2018 Honda civic, Lost in translation Galerie des Beaux Arts, Paris, France 2015 —Dys—affordance, CDDA SVA, New York city, USA
2021 65ème Salon de Montrouge Jeune Création 71, Fondation Fiminco 2020 I HAVE DONE THINGS HERE I COULDN’T DO ELSEWHERE, The Wrong biennale, 6B (Co-commissariat Indira Béraud) 2019 Coder le monde, Centre Pompidou, Paris Le geste, Cneai, Intervention Performance (invitation Julien Prévieux, Romain Semeteys) Magasins généraux, Pantin 2018 Filaf, Festival international d’art et du Film, sur invitation de Romain Semeteys 2017 Go Canny Poétique du sabotage, Villa Arson, Nice Pulsar, Fondation EDF, Paris 2016 Une inconnue d’avance, Villa Emerige
2011 à 2015 École Nationale Supérieure des Arts Décoratifs de Paris — Major de promotion, Félicitations aux Mémoires et Grand projet (Président du jury José-Manuel Gonçalvès) — 2013 à 2014 School of Visual Arts, New York CitySchool City Bachelor Visual Arts & Fine Arts (B.A.) GPA: 4.0 A+ Teachers, Cris Gianakos, Andrew Castrucci, Ed benguiat 2013 à 2014 The Cooper UnionThe Union Type@Cooper, Typeface design 2009 à 2011 École Éstienne —EstienneÉcole Estienne, École Supérieure des arts et des Industries Graphiques, ÉSAIG, Paris
Master Design Global Rech. Innovation Visual Arts & Painting, Typography, Typeface design, Editorial design, Visual Identity, Strange design Master Direction artistique en Design
2021 Salon international de Montrouge, Montrouge Festival Jeune Création 71, Fondation Fiminco Prix de «la Folie Numérique» 2020 Wrong Biennale 2017 Lauréat du 2e Prix Pulsar, the open art prize 2016 Révélation Emerige, Une inconnue d’avance Lauréat Bourse Déclic Jeune, Fondation de France 2015 Bourse Jeune Créateur & Artisan d’art, Fondation Bettencourt Schueller 2014 Scholarship SVA (School of Visual Art) New York 2013 Bourse d’étude au mérite, Ministère de la culture et de la communication
C'est dans les arcanes des programmes informatiques, de l’intelligence artificielle et des systèmes de surveillance que Thomas Guillemet puise sa matière. Né en 1989 et diplômé des Arts décoratifs de Paris ainsi que de la School of Visual Arts de New York, l’artiste observe les mutations de notre langage, de nos comportements et de nos désirs, dues aux nouvelles technologies. Dyslexique, il s’intéresse d’abord aux typographies utilisées dans les captcha, ces identifiants cryptés permettant de distinguer un utilisateur humain d’un virus informatique, avant de créer des chorégraphies loufoques échappant à l’œil des caméras d’identification. Recourant à des techniques artisanales et numériques, ses œuvres mêlent ainsi typo, imprimerie, gravure et céramique à des dispositifs interactifs, à l’instar de l’impressionnante installation multimédia présentée en juin à Jeune Création. Son projet pour Montrouge s’inscrit d’ailleurs dans le droit fil de cette proposition analysant les codes du « néo-porno » en ligne : évolution des mots-clés, de la qualité des images et des filtres, « gamification » des points de vue, ou gadgétisation des sextoys qui passe notamment par d’étonnants masques BDSM en cuir conçus d’après des modélisations de reconnaissance faciale !
«Au premier contact de ses oeuvres, c’est une sorte de fougue irrévérencieuse que l’on ressent, comme si nous étions en présence d’une énergie émancipée des bonnes règles. L’artiste Thomas semble comparable à une machine autonome, qui dicterait ses règles esthétiques en jouant avec tous les usages à la mode. Il grave, il dessine, il peint (en tout cas il applique de la peinture sur un support), il colle, parfois il sculpte. Dans une accumulation de grands formats qui parviennent à ne jamais lasser notre attente, ce jeune homme oeuvre un peu à la manière d’un ancien maître, utilisant tous les outils de son environnement, des plus traditionnels aux plus avant-gardistes. Parmi les techniques qu’il développe, l’une consiste en un détournement du périphérique Kinect, le capteur infrarouge de la console de jeu Xbox, qui lui permet d’enregistrer ses mouvements dans l’espace. Ces gestes sont ensuite transférés dans un logiciel qu’ils ont eux-mêmes développé et qui en donne un équivalent graphique, sous forme de points. Ces mouvements sont ensuite imprimés sur des grands formats à l’aide d’un traceur, qui sert de base à une composition sur laquelle il retravaille. Cette « augmentation » d’une image imprimée est un procédé qu’il utilise souvent. Dans la série Dazzle Pixel (2016), il reproduit des formes utilisées par les hackers pour crypter des typographies aux ordinateurs espions. Thomas utilise ces motifs comme base de ses images, avec pour dénominateur commun le carré, plus exactement le pixel, qui est pour lui la « forme fondamentale de notre génération ». Dans leurs expérimentations, il utilise aussi des objets issus de notre quotidien, qui ne devraient que très rarement croiser la vie d’une surface de papier : un clavier d’ordinateur, une roue ou des pédales de vélo, une table de ping-pong… Entre ses mains, ils deviennent des outils ludiques, graphiques, qui « accomplissent » l’oeuvre en la plongeant dans l’imprévu : les compositions partent en vrille, des rythmes se créent, des espaces se creusent, des surfaces dérapent, comme un abécédaire de tout ce qu’on peut faire, en largeur, en hauteur. Il y a quelque chose du plaisir primitif qui s’épanouit ici et qui reste gravé dans l’image : un endroit que l’on croyait usé, où l’aventure recommence.» — Gaël Charbau — Une Inconnue d’avance Révélation — Emerige— Les Éditions Particules, 2016
Olivier Alexanian, avec qui nous formions un duo, s’est reconverti en politique. Aujourd’hui en solo, je continue à collaborer régulièrement avec des artistes, mais aussi des scientifiques et des ingénieurs. Ensemble, nous tentons de parler la même langue, d’amorcer des dialogues avec la machine et de voir à travers ses yeux. Mon approche ne consiste pas à ouvrir la boite noire d’une machine mais à m’engager avec elle comme avec une personne voire un être aimé. Si elle est communément le réceptacle de fantasmes et d’anxiétés, je cherche, pour ma part, à l’anthropomorphiser. Je me place donc du côté du trans-machinisme (l’augmentation de la machine par l’homme) et à rebours du trans-humanisme. Je cherche à court-circuiter et dépasser les systèmes figés mis en place par les ingénieurs. Pour cela, j’applique l’idée de désordre à l’architecture pragmatique et rigoureuse des machines en créant des situations troublantes que j’appelle « dys_affordances ». « Dys » signifie « désordre » et « affordance » se réfère à la capacité d’un objet à suggérer son mode d’utilisation. Une machine n’est pas plus humaine lorsqu’elle ne fait pas d’erreurs mais lorsqu’elle en commet des plus fines et génère des évènements inattendus. En poussant la machine dans ses retranchements, mon travail se l’approprie en créant justement des formes inappropriées. J’aime définir cela comme une poétique du sabotage. Conçu avec le programmeur Clément Barbisan et le chorégraphe Jean-Marc Matos, le projet « Body Fail » s’intéresse aux procédés par lesquels le corps introduit une erreur dans la machine. Un système de neurones est sensé reconnaître des positions corporelles mais certaines d’entres elles le font bugger. Nous avons donc fait leur inventaire et composé des partitions d’erreurs. Mon travail gravite en fait autour d’une exploration du langage. Cela s’explique probablement par ma dyslexie. Je commets en permanence des erreurs d’interprétation et ces dernières portent mes recherches, me permettant de questionner de ce qui fait norme en célébrant ce qui s’en écarte. »
L’utilisation de la barre oblique, caractère typographique du slasheur , semble indispensable pour aborder le travail - les travaux - de Thomas Guillemet. Graphiste / artiste / designer / chercheur /... : à l’image de ces jeunes travailleurs modernes qui évoluent simultanément de boulots en boulots, Thomas Guillemet est une sorte d’entreprise innovante à lui tout seul. Un « startuper » sans marché et infructueux, dont la R&D repose sur les interactions entre l’homme et la machine, sur leurs zones d’incompréhensions et d’inconforts ; aux failles qui amènent irrémédiablement au malentendu. Savant volontairement désordonné, de la classe des Hackers et de la mouvance Open Source , Thomas Guillemet poursuit une mission de déstandardisation revendiquée d’éléments graphiques considérés comme inappropriés : ratures, gribouillages, inversions, détériorations. L’esthétisme du raté lui permet d’être audacieux, de donner un rythme visuel saccadé pour forcer le changement de point de vue et de perception. Le geste est bien sûr très présent, toujours lié à l’utilisation d’un outil et d’une technique, que celle-ci soit de l’ordre de l’artisanat (impression lithographique) ou du développement informatique (codage binaire) - dont les compétences digitales seront à leur tour artisanales et dans le pur respect des traditions pour les générations futures. Tout cela n’est qu’affaire de troubles de différents dialogues corporels, dialectiques et sensibles où le corps humain se confronte au corps technologique, où les signes typographiques se traduisent en signes numériques et où les émotions avec la machinerie ne sont jamais réciproques. Nous ne nous comprenons pas, les profils sont incompatibles ; pas la peine de swip left ça ne marchera pas.
L’entrée de cette exposition est formellement interdite aux robots. Nous vous remercions de votre compréhension. Nous sommes dans un monde en mutation accélérée, au futur déjà obsolète. Le robot s’est révélé plus proche du prédateur que du simple rival. Lointaine est l’époque où certains décidèrent de miser sur la machine plutôt que sur l’homme et d’investir dans un avenir façonné par une technologie cyclopéenne. À mille lieues des rêves avortés de longévité, l’aboutissement des recherches entamées au temps du capitalisme a provoqué une urgence sans précédent : l’heure actuelle est à la survie.
La question de savoir quelle relation l’homme entretient et développe avec la machine est au coeur des recherches menées par Thomas Guillemet dans son exposition « Honda Accor 2000 v6 ». Le travail présenté interroge les éventuels modes d’émancipation ou de cohabitation face à l’emprise des technologies. En pénétrant l’espace, le visiteur est happé par la lumière artificielle qui émane des néons. L’acronyme NSFW (Not Safe For Work), tout droit issu de la communauté web, y est marqué au feutre indélébile.
On découvre aux murs des bribes de souvenirs, images capturées sur Chatroulette d’utilisateurs errants derrière leurs écrans. Les cierges allumés à l’honneur de ces reliques contemporaines plongent le spectateur dans une atmosphère religieuse empreinte d’une certaine nostalgie. Des tapis et des gravures Captchas recouvrent sol et murs pour assurer la sécurité du périmètre. Les captchas désignent une famille de tests informatiques dont la fonction est de discerner l’homme du robot, pour lequel l’usurpation d’identité est usuelle. En guise d’ornements, ni motifs typiques de quelques régions ni mot d’accueil, mais une demande de vérification commune du paysage informatique. Ce contrôle administratif n’est pas sans rappeler celui effectué à la douane puisqu’il se situe entre deux espaces — la galerie et la rue — et restreint l’accès. Les frontières géographiques estompées par la révolution digitale ont donc fait place à un nouveau type de limitation individuelle. Cette zone limitrophe vise non pas à séparer les gens selon leurs origines, mais à distinguer le vivant du mécanique.
Une fois le sas traversé, les murs tapissés de couvertures de survies dévoilent un univers post-apocalyptique. L’inscription cryptée annonce avec cynisme un survivant : « Steve [Jobs] is OK » ! Nous voilà rassurés… Un petit autel dédié aux divinités nous permet d’admirer les trésors du passé : amulettes en cires et céramiques à la gloire des GAFA. Les entreprises de la Silicon Valley, initiateurs d’un imaginaire collectif, tenaient visiblement le peuple en haleine. Cette archéologie du futur présente du matériel informatique en tout genre, d’apparat des plus archaïques. Adulés parce qu’ils incarnent la mémoire des générations passées, ces outils désuets témoignent d’une époque révolue. Désormais dénuée de toute utilité, seule une forme brutalement matérielle subsiste. Mais l’objet mort, au processus de décomposition interminable, nous survivra.
Plus loin, des sculptures se dressent dans un paysage végétal post-humain. De la symbiose entre le corps de l’homme et l’automobile résulte des oeuvres hybrides pour le moins perturbantes. Les projections vidéo animent les capots de voiture. L’enveloppe corporelle, véritable barrière de protection dont les cellules as-surent une régénération continue, est devenue la matière première des machines. Ces dernières, renversant les hiérarchies de pouvoir, se sont émancipées de leur tutelle humaine. L’algorithme des voitures autonomes qui pouvait décider à la place du passager s’il devait ou non mourir est parvenu à ses fins. Si le corps, comme le défend Nietzsche, est fait de pulsions, de désir, d’instinct, et que sans lui, l’âme est inexistante, alors peut-être que dans cette quête corporelle, les transmachinistes parviendront à générer une conscience et tout ce qui en découle.
À proximité, une découpe laser dénommée Stuxnet s’attelle à graver les oeuvres. Tout comme son homonyme — un logiciel malveillant découvert en 2010 visant à compromettre le programme nucléaire iranien —, elle sabote le site. Ainsi, le piratage est intégré au processus de création afin de proposer une version alternative des oeuvres préexistantes. À l’étage, une cellule de résistance.
Le skeuomorphisme, dont l’objectif est de rendre l’interface homme-machine rassurante et agréable, consiste à donner l’apparence et le nom d’un objet réel à un élément virtuel. « Mettre » un « document » dans la « corbeille » n’est finalement qu’un amas de lignes de codes. L’oeuvre sonore s’inscrit dans la continuité des recherches de l’artiste relative au skeuomorphisme. Jouée en boucle, une voix féminine divulgue le code source du réseau de neurones développé pour l’installation BodyFail. Les 1 et les 0 s’enchaînent à un rythme cardiaque, entraînant le spectateur au coeur même de l’organisme du système informatique. Ici encore, les hiérarchies sont bousculées puisque ce qui habituellement est dissimulé se retrouve au premier plan, et ce qui devrait être lu se retrouve entendu.
Tout comme l’électricité dont on prend conscience dès lors qu’il y a une panne, le caractère matériel du digital est éclipsé par son omniprésence devenue anodine. La forme tangible de l’outil s’efface derrière l’usage qu’on en fait. Les gravures monotypes présentées sont ainsi réalisées à l’aide d’outils informatiques détournés, de manière à ce que seules leurs formes matérielles soient exploitées. Le clavier fait office de pinceau pour la réalisation de l’oeuvre, c’est une « décadence positive » comme le nomme Thomas Guillemet. En désacralisant l’objet informatique — en dissociant l’objet de sa fonction —, il se réapproprie l’usage de son corps. Les outils tenus de libérer l’homme du travail à la chaîne ont fini par l’astreindre à répéter les mêmes mouvements. Alors que l’utilisateur se laisse choir derrière son écran, limitant l’usage de ses membres, l’artiste réintègre dans son processus de création les formes de productions ancestrales issues du corps. Dans la dernière salle de l’exposition se trouve l’installation Body Fail sous-titrée « Le corps comme limite du code ». Le visiteur est incité à expérimenter des positions pour se soustraire à la vidéosurveillance. En adoptant une gestuelle déviante, en jouant sur l’équilibre/déséquilibre, le symétrique/dissymétrique, l’aligné/désa-ligné, le focalisé/défocalisé, il pourrait faire buger la machine. Chaque fois qu’un visiteur y parvient, la pose s’ajoute à une partition de mouvements dits défaillants.
Comme si le corps était l’ultime ressource.
FONDATION DE FRANCE https://www.fondationdefrance.org/fr/declics-jeunes-les-laureats-2016-thomas-guillemet FIGUREFIGURE https://figurefigure.fr/media/pages/archives/december-2017/2d97c5aa6f-1599751526/figurefigure03thomasguillemet.pdf MANIFESTO XX1 https://manifesto-21.com/prix-pulsar-on-hacker-lart-contemporain/
Olivier Alexanian, Jean Marc Matos, Clément Barbisan, Laurent Lacotte, Indira Béraud, Yoan Rihouay, Dilan DaSilva, Pierre-Ange Aznar, Christian Joseph, Jocelyne Maillard, Nahtalie Desmet, Marion Zilio, Eric Mangion, Cris Gianakos, Pauline Lavergne, Patricia Folgringer
Photo : Salime Santa Lucia, Romain Darnaud, Valentin Adad, Yoan Rihouay
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Thomas Guillemet né en 1989, est un artiste basé entre Auvers-sur-oise et Paris. Il travaille sur les mutations de comportements, et de langages induits par les évolutions techniques et technologiques. Son travail prend la plupart du temps de nombreuses formes artisanales utilisant les médiums traditionnel associé au technologique pour d’écrire l’impalpable des phénomènes de créolisations numériques. Ses techniques privilégiées : gravure, céramique, tissage, modélisation 3d, photographie augmentée, textiles, impression, etc. Et ces deux derniers axes de recherches sont « la mutation du désir » et «Cabreur du net».
Je me définis comme un plasticien ethnologue, spécialisé en mutations du comportement et du langage entraînés par la cohabitation avec la technologie. Sous plusieurs angles, j’explore les fantasmes exponentiels du mythe de la «machine» que je mets en contraste avec un travail artisanal allant de la céramique au tissage en passant par la gravure.
Pour chaque projet, ma pratique débute par une approche obsessionnelle des formes complexes et sensibles (comme les CAPTCHA) et des grilles incohérentes, incompris par la logique d’une machine. J’en reproduis quotidiennement et je les détourne en arts visuels (dessins, peintures, vidéos ou objets imprimés). Ces éléments font partie d’une série récurrente que j’ai intitulée “Bot or not to bot” : on les retrouve dans chacune de mes installations, comme une manière de m’assurer que je ne suis pas moi-même devenu une machine.
Suite à cette première phase, j’entreprends un processus d’enquête afin d’identifier les mutations de langage induites par les évolutions technologiques. Les mutations de langage sont un objet d’étude particulièrement intéressant pour moi, puisque je considère qu’ils sont le premier indicateur d’un changement de mœurs. Ainsi, l’expression “Netflix & chill” est la première mutation de langage qui m’a interpellé. Cette expression créée par la génération 15-19 ans est utilisée pour faire des avances sexuelles à quelqu’un, et fait référence à une évolution technologique pour définir un comportement humain.
Les mutations de comportements induits par la technologie sont aussi un objet d’étude qui me passionne. Je les ai par exemple mis à l’honneur dans mon projet “Bored at work”. J’y ai répertorié les disciplines qui se sont développées ces dernières années dans le contexte de l’aliénation des postures de bureau, comme le Pen Spinning, pratique qui consiste à faire tourner un stylo entre ses doigts. Face à un outil technologique devant lequel nous nous ennuyons, l’ordinateur, nous nous réapproprions notre corps et nos capacités physiques. Il existe même aujourd’hui des tournois de Pen Spinning.
Je cherche à retranscrire ces mutations via différentes formes et différentes techniques, en croisant des procédés très technologiques comme la reconnaissance faciale, et très artisanaux comme la céramique ou la dorure.
Current exhibition Festival Jeune création 71 Fondation Fiminco Lauréat du prix "Folie Numérique" La villette
Next exhibition Salon de Montrouge (October 22 — 31) Artiste sélectionné 65e edition du Salon international d'art contemporain de la Ville de Montrouge http://www.salondemontrouge.com/
Collectionneur Artothèque Artiste invité et commissaire Centre d'arts contemporain (CAC) d'Auvers sur Oise x Centre national édition art image http://www.cneai.com/
BodyFail le corps comme limite du code Lauréat Pulsar the open art Prize https://bodyfail.com/ https://vimeo.com/252199630
Last exhibition THE WRONG BIENNALE Exposition au 6B ǝɹǝɥʍǝsʅǝ op ʇ𐄀upʅnoɔ ᴉ ǝɹǝɥ sƃuᴉɥʇ ǝuop ǝʌɐɥ ᴉ Co-Commissaire et Directeur artistique >>> https://ihavedonethingshere.cargo.site/ <<<
Seul l’ordo_nancement intensifie les obstacles élaborés de la hiérarchie THE WINDOW, Centre d'Arts, Paris DuoShow Thomas Guillemet x Laurent Lacotte Curation Indira Béraud
2021 Normal Map, Thomas Guillemet x Centre national édition art image (Cneai) 2020 Skéomorphe, Centre d’Art d’Auvers-sur-Oise 2019 Il est urgent que le progrès programme The Window, Paris, France 2018 Honda civic, Lost in translation Galerie des Beaux Arts, Paris, France 2015 —Dys—affordance, CDDA SVA, New York city, USA
2021 65éme Salon de Montrouge Jeune Création 71, Fondation Fiminco 2020 I HAVE DONE THINGS HERE I COULDN’T DO ELSEWHERE, The Wrong biennale, 6B (Co-commissariat Indira Béraud) 2019 Coder le monde, Centre Pompidou, Paris Le geste, Cneai, Intervention Performance (invitation Julien Prévieux, Romain Semeteys) Magasins généraux, Pantin 2018 Filaf, Festival international d’art et du Film, sur invitation de Romain Semeteys 2017 Go Canny Poétique du sabotage, Villa Arson, Nice Pulsar, Fondation EDF, Paris 2016 Une inconnue d’avance, Villa Emerige
2011 à 2015 École Nationale Supérieure des Arts Décoratifs de Paris — Major de promotion, Félicitations aux Mémoires et Grand projet (Président du jury José-Manuel Gonçalvès) — 2013 à 2014 School of Visual Arts, New York CitySchool City Bachelor Visual Arts & Fine Arts (B.A.) GPA: 4.0 A+ Teachers, Cris Gianakos, Andrew Castrucci, Ed benguiat 2013 à 2014 The Cooper UnionThe Union Type@Cooper, Typeface design 2009 à 2011 École Éstienne —EstienneÉcole Estienne, École Supérieure des arts et des Industries Graphiques, ÉSAIG, Paris
Master Design Global Rech. Innovation Visual Arts & Painting, Typography, Typeface design, Editorial design, Visual Identity, Strange design Master Direction artistique en Design
2021 Salon international de Montrouge, Montrouge Festival Jeune Création 71, Fondation Fiminco Prix de «la Folie Numérique» 2020 Wrong Biennale 2017 Lauréat du 2e Prix Pulsar, the open art prize 2016 Révélation Emerige, Une inconnue d’avance Lauréat Bourse Déclic Jeune, Fondation de France 2015 Bourse Jeune Créateur & Artisan d’art, Fondation Bettencourt Schueller 2014 Scholarship SVA (School of Visual Art) New York 2013 Bourse d’étude au mérite, Ministère de la culture et de la communication
Quand nos vies quotidiennes semblent codifiées par des algorithmes, la matérialité du corps dérape, fait irruption, excède. Dans les bas-fonds de l’Internet, des communautés d’employés de bureau organisent des championnats autour du plus habile à tourner des stylos avec les doigts, à virevolter sur sa chaise ou à simuler une batterie avec sa main. Thomas Guillemet inventorie ces gestes de résistance face au conditionnement bureaucratique. Il faudra ainsi mettre des lunettes de soleil, flegmatique, pour arriver à lire son néon avec l’inscription cryptée NSFW (not suitable for work / inapproprié pour le travail). L’artiste traque les dissonances entre le pouvoir exponentiel des machines et la formidable capacité de nos corps à dérailler. Nos vies sont une défaillance du système. « Ma dyslexie m’a mené vers le langage imprimé, que je pouvais manipuler: ce que je ne maitrisais pas s’est transformé en capacité à échapper au sens des mots », évoque l’artiste. Quand il imprime des captcha - ces mots cryptés, illisibles par la machine - sur des éléments domestiques (tapis ou tôles ondulées), il souligne un paradoxe: c’est la typographie, cette vielle technique, qui permet encore de distinguer un humain d’un virus. Il imprimera alors sur des toiles des noms menaçants de spyware ou malware, permettant à ses oeuvres d’infiltrer les réseaux en camouflant leur identification à l’art. Pour l’artiste, c’est notre capacité à apprendre des erreurs, et l’imagination, qui nous distingue de l’intelligence artificielle: il fera ainsi bugger une machine sensée identifier nos gestes en proposant une chorégraphie de sabotage. Quand nous croyons fabriquer des objets, ce sont eux qui agissent sur nous, conditionnant nos gestes: l’artiste s’attaquera au principe de l’affordance (la capacité d’un objet à suggérer son mode d’utilisation), en frottant ou érotisant des objets, rappelant leur ergonomie arbitraire par le contre-emploi. « Grandir en banlieue parisienne m’a permis de saisir très vite que les mutations de langage sont aussi des mutations sociétales », évoque-t-il, « Des expressions propres à la technologie deviennent des comportements ». Quand il inscrit « Netflix and chill » (synonyme de faire l’amour pour les millenials) sur de la céramique, ce sont ainsi les vieilles oppositions entre réel et virtuel, corps et machine, qui deviennent archéologiques.
C'est dans les arcanes des programmes informatiques, de l’intelligence artificielle et des systèmes de surveillance que Thomas Guillemet puise sa matière. Né en 1989 et diplômé des Arts décoratifs de Paris ainsi que de la School of Visual Arts de New York, l’artiste observe les mutations de notre langage, de nos comportements et de nos désirs, dues aux nouvelles technologies. Dyslexique, il s’intéresse d’abord aux typographies utilisées dans les captcha, ces identifiants cryptés permettant de distinguer un utilisateur humain d’un virus informatique, avant de créer des chorégraphies loufoques échappant à l’œil des caméras d’identification. Recourant à des techniques artisanales et numériques, ses œuvres mêlent ainsi typo, imprimerie, gravure et céramique à des dispositifs interactifs, à l’instar de l’impressionnante installation multimédia présentée en juin à Jeune Création. Son projet pour Montrouge s’inscrit d’ailleurs dans le droit fil de cette proposition analysant les codes du « néo-porno » en ligne : évolution des mots-clés, de la qualité des images et des filtres, « gamification » des points de vue, ou gadgétisation des sextoys qui passe notamment par d’étonnants masques BDSM en cuir conçus d’après des modélisations de reconnaissance faciale !
«Au premier contact de ses oeuvres, c’est une sorte de fougue irrévérencieuse que l’on ressent, comme si nous étions en présence d’une énergie émancipée des bonnes règles. L’artiste Thomas semble comparable à une machine autonome, qui dicterait ses règles esthétiques en jouant avec tous les usages à la mode. Il grave, il dessine, il peint (en tout cas il applique de la peinture sur un support), il colle, parfois il sculpte. Dans une accumulation de grands formats qui parviennent à ne jamais lasser notre attente, ce jeune homme oeuvre un peu à la manière d’un ancien maître, utilisant tous les outils de son environnement, des plus traditionnels aux plus avant-gardistes. Parmi les techniques qu’il développe, l’une consiste en un détournement du périphérique Kinect, le capteur infrarouge de la console de jeu Xbox, qui lui permet d’enregistrer ses mouvements dans l’espace. Ces gestes sont ensuite transférés dans un logiciel qu’ils ont eux-mêmes développé et qui en donne un équivalent graphique, sous forme de points. Ces mouvements sont ensuite imprimés sur des grands formats à l’aide d’un traceur, qui sert de base à une composition sur laquelle il retravaille. Cette « augmentation » d’une image imprimée est un procédé qu’il utilise souvent. Dans la série Dazzle Pixel (2016), il reproduit des formes utilisées par les hackers pour crypter des typographies aux ordinateurs espions. Thomas utilise ces motifs comme base de ses images, avec pour dénominateur commun le carré, plus exactement le pixel, qui est pour lui la « forme fondamentale de notre génération ». Dans leurs expérimentations, il utilise aussi des objets issus de notre quotidien, qui ne devraient que très rarement croiser la vie d’une surface de papier : un clavier d’ordinateur, une roue ou des pédales de vélo, une table de ping-pong… Entre ses mains, ils deviennent des outils ludiques, graphiques, qui « accomplissent » l’oeuvre en la plongeant dans l’imprévu : les compositions partent en vrille, des rythmes se créent, des espaces se creusent, des surfaces dérapent, comme un abécédaire de tout ce qu’on peut faire, en largeur, en hauteur. Il y a quelque chose du plaisir primitif qui s’épanouit ici et qui reste gravé dans l’image : un endroit que l’on croyait usé, où l’aventure recommence.» — Gaël Charbau — Une Inconnue d’avance Révélation — Emerige— Les Éditions Particules, 2016
Olivier Alexanian, avec qui nous formions un duo, s’est reconverti en politique. Aujourd’hui en solo, je continue à collaborer régulièrement avec des artistes, mais aussi des scientifiques et des ingénieurs. Ensemble, nous tentons de parler la même langue, d’amorcer des dialogues avec la machine et de voir à travers ses yeux. Mon approche ne consiste pas à ouvrir la boite noire d’une machine mais à m’engager avec elle comme avec une personne voire un être aimé. Si elle est communément le réceptacle de fantasmes et d’anxiétés, je cherche, pour ma part, à l’anthropomorphiser. Je me place donc du côté du trans-machinisme (l’augmentation de la machine par l’homme) et à rebours du trans-humanisme. Je cherche à court-circuiter et dépasser les systèmes figés mis en place par les ingénieurs. Pour cela, j’applique l’idée de désordre à l’architecture pragmatique et rigoureuse des machines en créant des situations troublantes que j’appelle « dys_affordances ». « Dys » signifie « désordre » et « affordance » se réfère à la capacité d’un objet à suggérer son mode d’utilisation. Une machine n’est pas plus humaine lorsqu’elle ne fait pas d’erreurs mais lorsqu’elle en commet des plus fines et génère des évènements inattendus. En poussant la machine dans ses retranchements, mon travail se l’approprie en créant justement des formes inappropriées. J’aime définir cela comme une poétique du sabotage. Conçu avec le programmeur Clément Barbisan et le chorégraphe Jean-Marc Matos, le projet « Body Fail » s’intéresse aux procédés par lesquels le corps introduit une erreur dans la machine. Un système de neurones est sensé reconnaître des positions corporelles mais certaines d’entres elles le font bugger. Nous avons donc fait leur inventaire et composé des partitions d’erreurs. Mon travail gravite en fait autour d’une exploration du langage. Cela s’explique probablement par ma dyslexie. Je commets en permanence des erreurs d’interprétation et ces dernières portent mes recherches, me permettant de questionner de ce qui fait norme en célébrant ce qui s’en écarte. »
L’utilisation de la barre oblique, caractère typographique du slasheur , semble indispensable pour aborder le travail - les travaux - de Thomas Guillemet. Graphiste / artiste / designer / chercheur /... : à l’image de ces jeunes travailleurs modernes qui évoluent simultanément de boulots en boulots, Thomas Guillemet est une sorte d’entreprise innovante à lui tout seul. Un « startuper » sans marché et infructueux, dont la R&D repose sur les interactions entre l’homme et la machine, sur leurs zones d’incompréhensions et d’inconforts ; aux failles qui amènent irrémédiablement au malentendu. Savant volontairement désordonné, de la classe des Hackers et de la mouvance Open Source , Thomas Guillemet poursuit une mission de déstandardisation revendiquée d’éléments graphiques considérés comme inappropriés : ratures, gribouillages, inversions, détériorations. L’esthétisme du raté lui permet d’être audacieux, de donner un rythme visuel saccadé pour forcer le changement de point de vue et de perception. Le geste est bien sûr très présent, toujours lié à l’utilisation d’un outil et d’une technique, que celle-ci soit de l’ordre de l’artisanat (impression lithographique) ou du développement informatique (codage binaire) - dont les compétences digitales seront à leur tour artisanales et dans le pur respect des traditions pour les générations futures. Tout cela n’est qu’affaire de troubles de différents dialogues corporels, dialectiques et sensibles où le corps humain se confronte au corps technologique, où les signes typographiques se traduisent en signes numériques et où les émotions avec la machinerie ne sont jamais réciproques. Nous ne nous comprenons pas, les profils sont incompatibles ; pas la peine de swip left ça ne marchera pas.
L’entrée de cette exposition est formellement interdite aux robots. Nous vous remercions de votre compréhension. Nous sommes dans un monde en mutation accélérée, au futur déjà obsolète. Le robot s’est révélé plus proche du prédateur que du simple rival. Lointaine est l’époque où certains décidèrent de miser sur la machine plutôt que sur l’homme et d’investir dans un avenir façonné par une technologie cyclopéenne. À mille lieues des rêves avortés de longévité, l’aboutissement des recherches entamées au temps du capitalisme a provoqué une urgence sans précédent : l’heure actuelle est à la survie.
La question de savoir quelle relation l’homme entretient et développe avec la machine est au coeur des recherches menées par Thomas Guillemet dans son exposition « Honda Accor 2000 v6 ». Le travail présenté interroge les éventuels modes d’émancipation ou de cohabitation face à l’emprise des technologies. En pénétrant l’espace, le visiteur est happé par la lumière artificielle qui émane des néons. L’acronyme NSFW (Not Safe For Work), tout droit issu de la communauté web, y est marqué au feutre indélébile.
On découvre aux murs des bribes de souvenirs, images capturées sur Chatroulette d’utilisateurs errants derrière leurs écrans. Les cierges allumés à l’honneur de ces reliques contemporaines plongent le spectateur dans une atmosphère religieuse empreinte d’une certaine nostalgie. Des tapis et des gravures Captchas recouvrent sol et murs pour assurer la sécurité du périmètre. Les captchas désignent une famille de tests informatiques dont la fonction est de discerner l’homme du robot, pour lequel l’usurpation d’identité est usuelle. En guise d’ornements, ni motifs typiques de quelques régions ni mot d’accueil, mais une demande de vérification commune du paysage informatique. Ce contrôle administratif n’est pas sans rappeler celui effectué à la douane puisqu’il se situe entre deux espaces — la galerie et la rue — et restreint l’accès. Les frontières géographiques estompées par la révolution digitale ont donc fait place à un nouveau type de limitation individuelle. Cette zone limitrophe vise non pas à séparer les gens selon leurs origines, mais à distinguer le vivant du mécanique.
Une fois le sas traversé, les murs tapissés de couvertures de survies dévoilent un univers post-apocalyptique. L’inscription cryptée annonce avec cynisme un survivant : « Steve [Jobs] is OK » ! Nous voilà rassurés… Un petit autel dédié aux divinités nous permet d’admirer les trésors du passé : amulettes en cires et céramiques à la gloire des GAFA. Les entreprises de la Silicon Valley, initiateurs d’un imaginaire collectif, tenaient visiblement le peuple en haleine. Cette archéologie du futur présente du matériel informatique en tout genre, d’apparat des plus archaïques. Adulés parce qu’ils incarnent la mémoire des générations passées, ces outils désuets témoignent d’une époque révolue. Désormais dénuée de toute utilité, seule une forme brutalement matérielle subsiste. Mais l’objet mort, au processus de décomposition interminable, nous survivra.
Plus loin, des sculptures se dressent dans un paysage végétal post-humain. De la symbiose entre le corps de l’homme et l’automobile résulte des oeuvres hybrides pour le moins perturbantes. Les projections vidéo animent les capots de voiture. L’enveloppe corporelle, véritable barrière de protection dont les cellules as-surent une régénération continue, est devenue la matière première des machines. Ces dernières, renversant les hiérarchies de pouvoir, se sont émancipées de leur tutelle humaine. L’algorithme des voitures autonomes qui pouvait décider à la place du passager s’il devait ou non mourir est parvenu à ses fins. Si le corps, comme le défend Nietzsche, est fait de pulsions, de désir, d’instinct, et que sans lui, l’âme est inexistante, alors peut-être que dans cette quête corporelle, les transmachinistes parviendront à générer une conscience et tout ce qui en découle.
À proximité, une découpe laser dénommée Stuxnet s’attelle à graver les oeuvres. Tout comme son homonyme — un logiciel malveillant découvert en 2010 visant à compromettre le programme nucléaire iranien —, elle sabote le site. Ainsi, le piratage est intégré au processus de création afin de proposer une version alternative des oeuvres préexistantes. À l’étage, une cellule de résistance.
Le skeuomorphisme, dont l’objectif est de rendre l’interface homme-machine rassurante et agréable, consiste à donner l’apparence et le nom d’un objet réel à un élément virtuel. « Mettre » un « document » dans la « corbeille » n’est finalement qu’un amas de lignes de codes. L’oeuvre sonore s’inscrit dans la continuité des recherches de l’artiste relative au skeuomorphisme. Jouée en boucle, une voix féminine divulgue le code source du réseau de neurones développé pour l’installation BodyFail. Les 1 et les 0 s’enchaînent à un rythme cardiaque, entraînant le spectateur au coeur même de l’organisme du système informatique. Ici encore, les hiérarchies sont bousculées puisque ce qui habituellement est dissimulé se retrouve au premier plan, et ce qui devrait être lu se retrouve entendu.
Tout comme l’électricité dont on prend conscience dès lors qu’il y a une panne, le caractère matériel du digital est éclipsé par son omniprésence devenue anodine. La forme tangible de l’outil s’efface derrière l’usage qu’on en fait. Les gravures monotypes présentées sont ainsi réalisées à l’aide d’outils informatiques détournés, de manière à ce que seules leurs formes matérielles soient exploitées. Le clavier fait office de pinceau pour la réalisation de l’oeuvre, c’est une « décadence positive » comme le nomme Thomas Guillemet. En désacralisant l’objet informatique — en dissociant l’objet de sa fonction —, il se réapproprie l’usage de son corps. Les outils tenus de libérer l’homme du travail à la chaîne ont fini par l’astreindre à répéter les mêmes mouvements. Alors que l’utilisateur se laisse choir derrière son écran, limitant l’usage de ses membres, l’artiste réintègre dans son processus de création les formes de productions ancestrales issues du corps. Dans la dernière salle de l’exposition se trouve l’installation Body Fail sous-titrée « Le corps comme limite du code ». Le visiteur est incité à expérimenter des positions pour se soustraire à la vidéosurveillance. En adoptant une gestuelle déviante, en jouant sur l’équilibre/déséquilibre, le symétrique/dissymétrique, l’aligné/désa-ligné, le focalisé/défocalisé, il pourrait faire buger la machine. Chaque fois qu’un visiteur y parvient, la pose s’ajoute à une partition de mouvements dits défaillants.
Comme si le corps était l’ultime ressource.
FONDATION DE FRANCE https://www.fondationdefrance.org/fr/declics-jeunes-les-laureats-2016-thomas-guillemet FIGUREFIGURE https://figurefigure.fr/media/pages/archives/december-2017/2d97c5aa6f-1599751526/figurefigure03thomasguillemet.pdf MANIFESTO XX1 https://manifesto-21.com/prix-pulsar-on-hacker-lart-contemporain/
Olivier Alexanian, Jean Marc Matos, Clément Barbisan, Laurent Lacotte, Indira Béraud, Yoan Rihouay, Dilan DaSilva, Pierre-Ange Aznar, Christian Joseph, Jocelyne Maillard, Nahtalie Desmet, Marion Zilio, Eric Mangion, Cris Gianakos, Pauline Lavergne, Patricia Folgringer
Photo : Salime Santa Lucia, Romain Darnaud, Valentin Adad, Yoan Rihouay
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